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11 mai 2009

Séance au Bellagio

Tous les types de caractères sont rassemblés autour d’une table de poker. Il y a un ou deux soirs, j’avais l’impression d’assister à une pièce de théâtre. Dans le rôle du choeur, les perdants reprenaient à chaque pot le refrain des lamentions. Comme les jetons affluaient dans sa direction, un joyeux drille a trouvé spirituel de clamer : « On dirait que la table penche de notre côté ». Ça n’a pas trop fait marrer les gens d’en face.
    
Un type cherchait une certaine compassion quand il s’est plaint sur la river (cinquième et dernière carte) :
    
-         C’est pas possible, je me fais toujours avoir sur la river !
    
La réponse que son adversaire a marmonnée, sans même lever les yeux des jetons qu’il était en train d’empiler, fût très concise :
    
-         Qu’est-ce que vous voulez que ça me fasse !
    
Une dame, qui était venue échanger quelques mots avec un monsieur, style agent immobilier proche de la retraite, s’est retirée. La voisine du monsieur a aussitôt tenté de lui soutirer quelques confidences :
    
-         C’est votre épouse ?
    
Sa mise au point m’a fait subodorer qu’il pouvait être du coin.
    
-         Non, non, c’est l’avocate de mon premier divorce.
    
Un jeune gars, mince, barbu, s’agitait frénétiquement sur sa chaise, posait des straddles (mises sans voir ses cartes) et enchérissait comme un maniaque. Il a rapidement gaspillé ses jetons, puis le rack suivant. Enfin arriva le gros coup qu’il recherchait.
    
-         Cette fois c’est à moi !
    
Tout le monde vit ses cartes gagnantes qu’il jeta triomphalement, faces ouvertes, sur la table. Les cartes effectuèrent un tour sur elles-mêmes, puis un deuxième, rebondirent, s’envolèrent... pour terminer leur course dans la défausse. Sa main était morte. Le dealer poussa les jetons en direction de son adversaire.
    
« Seat open on twelve ». La place du maniaque venait de se libérer.
    
L’ami d’un joueur s’était laissé tenter. Il devait se faire expliquer quand et comment miser. C’est le croupier qui lui indiquait quand il lui arrivait de terminer avec la main gagnante. Autour de lui on avait de la peine à éviter de voir ses cartes qu’il levait au ciel pour les examiner. J’espère que, pour le prix qu’il a payé, il a eu du plaisir.
    
Après avoir perdu une main, un type, l’air très doctrinal, avait l’habitude de commenter les coups perdus qu’il aurait dû gagner. Une fois de plus il tenta de faire la leçon à son vainqueur :
    
-         Comment a-t-il pu caller mon raise avec K4 offsuit ?
    
Celui à qui s’adressait la remarque, un type d’âge mûr n’essaya pas de se justifier :
    
-         Tu devrais être content de jouer avec un pigeon comme moi.
    
Soir après soir, tout ce microcosme se retrouve, réuni comme de vieilles connaissances qui sont sûres de ne jamais se revoir ailleurs et de ne jamais à avoir à aborder un autre sujet que leurs coups de malchance ou, intimité la plus audacieuse, l’endroit où ils ont bien mangé la veille.

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