Le concert de Johnny
- Ouais j’ai perdu. A cause d’Edouard.
Bernard, tout rouge de sa défaite, poursuit son analyse.
- Tu te rends compte, je suis bien, il arrive. L’autre tire non pas un, mais DEUX double six.
- Non ?!
- Mais ouais. Pis nom de Dieu, il reste là, debout, il comprend pas. Il est pas foutu de s’asseoir. Toi, t’es joueur, tu comprends. Mais lui, nom de Dieu, il bouge pas. Je sais pas comment faut lui dire.
En fin d’après-midi, je me renseigne auprès d’Edouard.
- Tu sais où est Bernard ?
- Non, je m’en fous.
- Bernard, il ne va jamais perdre sans un mot, il fallait qu’il trouve un coupable.
- Ouais, mais là il exagère.
- Il croit qu’il a perdu à cause de toi. Il voulait que tu partes.
- Il n’avait qu’à me le dire. Il dit rien, je peux pas deviner.
- Envoie-lui un sms.
- Non là c’est à lui de le faire. C’est un con. C’est la dernière fois que je pars avec lui.
- Ecris-lui « t’es un con, tu descends ? »
Cinq minutes plus tard, Bernard est là. Edouard nous expose son idée :
- Dites-donc les gars, qu’est-ce que vous diriez d’aller manger au Méridien, il y a le concert de Johnny juste à côté, il paraît qu’on l’entend comme si on y était.
Bernard n’est pas convaincu.
- Qu’est-ce que Johnny vient se faire chier à chanter devant sept cents pelés au Sporting. Il y a un mois, il chantait devant huitante-cinq mille personnes sur les Champs-Elysées. C’est sa tournée d’adieu, qu’est-ce qu’il vient s’emmerder ici ? C’est pas lui, c’est un sosie. Ou alors c’est pour la Croix-Rouge.
- Non, non, je te promets, j’ai vu son nom sur les affiches.
- Ben alors on a avantage à réserver.
A vingt heures trente on sort de l’hôtel. Je leur fais une proposition tout à fait absurde :
- On va à pieds ?
- T’es malade !
Cinq minutes plus tard on se balade au bord de la mer devant un magnifique coucher de soleil. On continue après le Méridien. En fait, c’est au restaurant gastronomique du Monte Carlo Beach que l’on se rend. Petites allées blanches, piscines sablonneuses dont les méandres sinuent sous les palmiers, végétation luxuriante, on se croirait au Bahamas. Sous les reflets bleus, oranges et verts des lumières du Sporting, le ciel prend des couleurs évoquant Las Vegas. La sérénité ambiante n’échappe pas à Bernard.
- Dites-donc Johnny il est enroué ?
- En tout cas on n’entend pas grand-chose.
- Mais qu’est-ce qu’on mange bien.
Ce n’est que vers une heure que l’on retourne à pieds. On croise Ion qui nous apostrophe au Fairmount.
- C’est fou, on entendait le concert dans tout Monte Carlo, qu’est-ce que c’était fort ! Comme si on y était.
On se rend compte que, derrière le Sporting, on a mangé dans le seul endroit de Monte Carlo d’où l’on ne percevait pas le moindre son.