Rituels : l'arrivée
Mon traditionnel pèlerinage annuel à Thoune a eu lieu, cette année, une semaine plus tôt que d’habitude.
J’avais prévu d’attraper le train de quinze heures quarante-cinq, je suis donc arrivé pile à l’heure pour celui de seize heures vingt. A cette heure, les trains sont tellement bondés que je me suis offert un billet de première. Avec cappuccino et livre, j’étais installé, de Lausanne à Berne, comme dans un salon. Malheureusement, après une heure, c’était déjà le moment de changer de train. L’intercity pour Thoune était plein comme un œuf. J’ai fait l’aller-retour parmi les banquettes, toutes occupées, des deuxièmes classes pour découvrir après vingt minutes que l’accès aux wagons des premières était condamné. Je me suis tassé entre deux voyageurs, craignant de manquer ma destination. On est arrivé avec moins de dix minutes de retard. Je me suis intégré au flot des voyageurs qui descendaient. J’observe un rituel désormais bien établi : passage au kiosque où je m’achète habituellement une plaque de chocolat Ritter noir aux noisettes entières, que je prévois pour les petites faims des rentrées tardives à l’hôtel. Entorse à la règle, je me suis rabattu, cette année, sur une plaque aux amandes grillées. Je me suis souvenu, trop tard, que j’avais déjà une fois commis cette erreur : les amandes ne sont pas à la hauteur des noisettes.
Deuxième rituel : les marrons chauds. Un petit pincement d’appréhension au ventre, j’ai contourné la gare à la recherche du stand. Ouf ! Il était là, exactement au même endroit que l’année passée ou celle d’avant. De plus, c’était le même vendeur qui plaçait les marrons grillés dans les mêmes pochettes en papier journal d’une contenance de cent, cent cinquante, deux cents ou trois cents grammes. Comme d’habitude, j’en ai acheté cent grammes, histoire de ne pas me couper l’appétit avant le souper au restaurant italien Primavera, où la sauce à salade le dispute à la dextérité du pizzaïolo.
Etape suivante : l’hôtel Emmental, en traversant le centre Manor en face de la gare. Les mêmes bijoux, montres et cartes de vœux étaient exposés aux mêmes endroits que dans mon souvenir, tout allait bien. Je suis ressorti et, comme d’habitude, j’ai terminé les derniers marrons chauds, particulièrement réussis cette année, juste après le deuxième petit pont, en passant devant la boutique Nespresso. Georges Clooney m’a fait son clin d’œil traditionnel. Je le lui ai rendu en lui souhaitant également la bonne année.
A l’hôtel, il y a toujours un élément qui ne correspond pas à la réservation. Cette année, on ne m’avait pas attribué la chambre double en attique promise par téléphone, mais une petite mansarde juste en haut de l’escalier. Par bonheur, elle ne sentait pas la fumée comme celle de l’année dernière. Elle venait d’être remise à neuf et la fenêtre, qui donne sur le balcon, où les voisins peuvent déambuler, n’avait pas de volets. En coinçant une nappe contre le chambranle, ça remplacerait un rideau et apporterait un peu d’intimité à mon sommeil.