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19 août 2012

Rhode Island

La dernière semaine se passait à Rhode Island, un peu au nord de New York. C’est le plus petit État américain, qui vote en premier à l’occasion des présidentielles, et qui, depuis l’acte de fondation de la constitution américaine, a toujours attribué ses voix au futur président des États-Unis. Là, peu de monuments à visiter, pas de grandes villes et, de plus, pas nécessaire de s’annoncer à la réception d’un hôtel : une maison en bois avait été louée par nos trois familles à Narragansett. Le matin, on n’était pas dérangé par une femme de chambre et le soir, aucun hôtel demi-pension ne nous imposait le repas : on avait tout loisir d’apprêter soi-même le butin ramené du supermarché. Terminées également ces longues matinées oisives : les trois petits enfants se chargeaient de nous mettre tous en forme sur le coup des sept heures.

Après un petit déjeuner agrémenté de pain calibré sous plastique, le temps de se faire un pique-nique, deux heures pour

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charger la voiture du matériel minimum, une petite demi-heure pour attendre ceux qui avaient juste eu un petit besoin urgent au moment de partir, et midi n’avait pas encore sonné que l’on était déjà en route pour la plage. Vingt dollars par voiture pour le parcage et on pourrait se lancer dans les flots. Il fallait prévoir un petit moment pour se badigeonner de crème solaire, décharger les parasols, les seaux et les pelles, les serviettes de plage, les chapeaux et lunettes de soleil, découvrir des toilettes pour celui qui n’y était pas passé à la maison, puis trouver une place assez loin des garnements qui jouaient au foot mais assez près de la mer. A une heure on était souvent déjà installé. Assez rapidement, comme il n’y avait pas d’ombre, le soleil commençait à taper. On essayait parfois de faire une petite sieste mais, avec les rafales de vent qui nous précipitaient du

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sable dans les yeux et les oreilles, ça devenait vite un peu inconfortable. Ça ne nous frustrait pas trop car, de toute façon, les fréquentes annonces diffusées par haut-parleurs pour demander à un conducteur de déplacer son véhicule nous auraient empêchés de nous reposer. Les sandwiches également pleins de sable, restaient plus appétissants que

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les hamburgers tièdes que nous aurions pu obtenir après trois quarts d’heure d’attente dans la queue de la buvette. J’hésitais à chercher dans la voiture le livre oublié, mais la demi-heure pour l’aller-retour m’en dissuadait d’autant plus qu’avec les enfants qui trouvaient amusant de projeter du sable autour d’eux, c’était difficilement envisageable de pouvoir lire plus de quelques lignes.

Il a plu deux ou trois jours. Pour que les gens se sentent moins à l’étroit dans le salon, Serge et moi avons tout de suite eu l’idée, pour libérer de la place, d’en profiter pour aller découvrir le gigantesque casino de Foxwood. Sitôt les portes du casino franchies, j’ai ressenti un grand sentiment de calme et d’apaisement au milieu des machines à sous et des tables de jeu. L’immense salle de poker compte environ deux cent tables. Les joueurs paraissaient ravis de notre compagnie.

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Ils étaient d’autant plus sympathiques qu’ils semblaient véritablement enchantés de nous distribuer leurs jetons en construisant des pots démesurés et en bluffant de manière frénétique quand le bord ne leur avait rien accordé.

Comme toutes communautés, Rhode Island a ses notables. La ville de Newport est le fief de la coupe de l’America. Son club nautique prestigieux et son port servent de vitrine à des yachts plus luxueux les uns que les autres. Même Narragansett, où nous avions loué la villa, avait ses bourgeois. Ils avaient l’habitude, comme tout le monde, de faire leurs courses au centre commercial Stop and Shop. Notre chemin croisa le leur au stand du traiteur. Chacun, un ticket à la main, souriait à ses voisins en attendant soigneusement son tour. Le nôtre arriva. On se décida pour quelques salades et du roastbeef premier

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choix, coupé en fines tranches. Avec forces mimiques de componction, un employé nous présenta une grande tranche pour vérifier que l’épaisseur nous convienne. Ni une ni deux, Serge la préleva du papier de protection et avec un « Ho, thank you ! » l’engloutit sous les yeux ahuris de l’employé qui n’en revenait pas. Quand deux minutes plus tard, le traiteur remarqua qu’Olivia, qui venait d’arriver, faisait partie de nos connaissances, il lui tendit sur le champ une tranche de roastbeef, sans doute, devait-il penser, pour éviter de prendre le risque de se faire mordre un doigt. Le personnel accepta, avec le sourire, nos dollars en paiement et nous vit partir, toujours avec le sourire.

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La semaine avait passé si vite qu’il était déjà jeudi, le jour qu’Olivia et Nadine avaient destiné à la planification des nettoyages pour que, dès vendredi, chacun puisse consacrer son énergie à rendre une maison à la propreté irréprochable. Le samedi, dès l’aurore, avant le départ, il ne restait ainsi plus qu’à entreprendre une ou deux dernières lessives et à peaufiner les recoins. Quand vers dix heures les propriétaires sont arrivés, ils ont presque eu l’impression d’avoir des troubles de vision. Ce fut un cri du cœur que poussa la propriétaire :
—     Mais c’est incroyable ? Que faites-vous ?
Elle jetait des regards partout, l’air totalement surpris. Elle appela son mari resté sur le pas-de-porte :
—     Viens voir ! Viens voir !
Elle se précipita ensuite pour retirer le balai des mains d’Olivia et attraper la serpillière à laquelle Nadine s’agrippait.
—     Mais c’est pas possible ! On n’a jamais vu ça. Arrêtez ! vous n’avez pas à faire tout ça. Regarde John, ils ont même lavé les draps. On n’a plus rien à faire.
Nous étions tous très fiers d’avoir accompli un travail que jamais nous n’aurions eu l’occasion de mener à bien si nous nous étions contentés de loger dans le premier hôtel venu.

Sans doute faisons-nous grande impression aux Américains, car à l’aéroport JFK de New York, la préposée nous a offert d’être tous upgradés en classe business qui, chez British Airways, n’est pas très différente des premières. Les six heures trente de vol nous ont paru bien courtes pour profiter pleinement du champagne, des repas, du buffet, des couchettes et du personnel aux petits soins.

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