Hôtel royal impérial VIP

Salut mon gars,

Le papier d'ma lettre, il est pas fake, c’est d’l’authentique, avec en-tête relief et tout. Dès l’arrivées, tu r’marques que l’endroit est classe. T’as transpiré, tu laisses tes fringues étalées sur le fauteuil, ben quand tu reviens, elles sont pliées et empilées.

Les chambres, ici, ils les appellent suites. T’entres dans la tienne, et t’en vois à peine l’autre bout. T’ouvres la porte d’la salle de bain, ça s’allume tout seul, automatique ! T’inspectes les coins : bois sculpté, des espaces de rangement, mais une douche, un lavabo, que dalle ! Là, d’un coup, tu te sens con : c’est grand comme la salle de bain chez toi, mais c’est le placard à habits. Pas qu’il manque d’armoires dans la chambre, y en a trois ou quatre, plus des commodes et des tiroirs. Le couple qui resterait un mois et qui s’changerait chaque soir, ben ils auraient pas d’soucis à s’faire pour les robes de la miss pis y resterait assez de cintres pour les costards du mec. T’entends un cri, c’est ta meuf qui vient de découvrir la salle de bain. Dedans, une baignoire qu’tu pourrais y faire des brasses, du marbre, de l’ardoise et d’la pierre gris luxe contre les murs, qu’j’sais pas où y sont allés la chercher. Des boutons qu’tu piges même pas c’qui va s’passer suivant celui qu’t’appuies. Y en a même un qui déclenche l’alarme. Je me suis giclé partout ! C’est qu’après ma douche que, qu’j’ai remarqué qu’on pouvait tourner le pommeau pour régler le jet.

A tous les étages, le perso t’dit bonjour comme si t’étais le roi d’Arabie. « Cela convient-il à Monsieur ? » ou « Madame désire-t-elle quelque chose ? », « Vous trouvez votre bonheur ? » pis plein d’ces formules qu’j’savais même pas qu’ça existait. Ils demandent si « tout s’est bien passé ? » pas quand tu r’viens d’la mort, qu’tas été opéré, mais juste pour savoir si t’as kiffé le repas.

Y z’ont aussi les prix qui vont avec. Par exemple, la fondue, elle est cinquante-cinq francs, avec viande séchée obligatoire. Par personne donc. Tu peux avoir le modèle sup, la tout vacherin, pour soixante balles. Bon les gens qui s’pointent, y z’ont les moyens pis y voyent même pas la différence avec un prix ailleurs vu qu’y savent à peine qu’y a un ailleurs. Mais bon, elle tenait la route la fondue, pis le dirlo, un balèze, costard, cravate, lunettes, nous a raconté qu’y z’ont fait des tas d’essais avec des tas de fromages, mais qu’cui-là c’est le top du top, du vrai authentique appellation contrôlée, à la crème de vaches nourries à l’herbe cueillie à la main dans des prairies spéciales, alors au final, on a l’impression qu’ils nous la refilent quasi gratos.

Dans l’ascenseur quand j’suis monté, j’ai vu une peau de vache ! J’te parle pas d’une cliente à botox. Une peau d’vache au naturel qui r’couvrait les quatre parois, sauf pour les boutons et le tableau électronique lumineux où l’étage s’affichait au moment où tu croyais que l’ascenseur avait pas capté où tu voulais qu’il t’amène. La grande classe.

Dans la salle du repas, tu te retrouvais au milieu d’l’amicale des vieilles divorcées. Je leur ai fait un clin d’œil, sympa quoi, mais en fait, elles souriaient pas pour de vrai, leur peau tendue les faisaient sourire même quand elles voulaient pas. Elles se font lustrer au Spa dans l’espoir de s’trouver un quatrième mari. Vu leur âge et tout le pognon en bijoux qu’elles portaient sur elles, elles z’auraient aussi pu bien s’louer la cabine de soins et la masseuse pour l’temps qui leur reste.

Bon j’te laisse, j’vais essayer de retrouver le bon ascenseur. J’espère qu’tu kiffes tes vacances à toi à la playa.

Gonzalo