Chypre III
Bertrand ne joue presque plus au poker.
- J’ai arrêté, c’est que du cul ! L’autre jour encore je suis all in avec deux as, je me fais niquer par as dame, il touche deux dames. Le backgammon, au moins, tu vois ce qui se passe, tu peux te défendre. T’as déjà quelqu’un pour le double ?
- Oui, on a prévu de faire avec Assaraf.
- Ah, t’as raison de faire avec Assaraf, il a des dés de malade.
*****
- Tu veux faire une chouette ? me demande Vladimir en train de jouer avec Bertrand.
- Vous jouez à combien ?
- Vingt euros.
- Vous payez tous les dix points ?
- Pas de soucis avec Bertrand. Il peut retirer qu’une certaine somme chaque jour. Il passe demain à Nicosie retirer de l’argent avec sa carte. En attendant, je lui ai prêté, comme ça il peut jouer.
- Merci, je crois que je vais attendre un peu pour la chouette.
- Pas de problème, tu te concentres sur ton tournoi, je comprends.
Cinq cent cinquante-huit joueurs, la salle grouille de monde. Je croise une blonde d’une vingtaine d’années botoxée. Entre les bijoux et la chirurgie, elle véhicule une fortune. Coup d’œil à son nombril sous un top minuscule, ses lèvres à la Donald s’ouvrent sur un sourire permanent dévoilant une rangée de dents parfaites ayant financé le yacht de son dentiste. Les haut-parleurs crachent de la musique et hurlent des noms de joueurs. Les épaules coincées dans un complet étriqué, directeur est massif et carré comme un geôlier de série B. En prononçant des mots de bienvenue, il s’efforce d’animer son visage d’un sourire peu habituel. Beaucoup de joueurs ont des têtes revêches de repris de justice mal rasés.
À chaque détour de couloir, on tombe sur un buffet de sushis, sandwiches, ragoût, saucisses turques, riz, crevettes, brochettes, légumes frits ou au vinaigre, salades, macarons, fruits, noisettes, pistaches, biscuits, tranches de gâteau crémeux au chocolat ou sucré aux amandes. À minuit, des soupes de lentilles, mouton, brocoli, tomate, yogourt sont ajoutées pour permettre de passer la nuit sans en être réduit au régime.