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26 juillet 2022

Chroniques persanes XV : Stations-service

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L’on s’arrête dans des stations-service pour faire le plein. On coupe deux ou trois voies d’autoroute bordées par le désert et l’on bifurque sur la voie d’accès à la suite de camions crachant un brouillard de fuel. Le litre de diesel coûte trois centimes, l’essence neuf centimes. Dès qu’on descend du bus, la chaleur nous enveloppe comme une écharpe collante. Au centre de la place, un bâtiment en dur, bordé de tamaris rabougris, voit sa peinture s’écailler sous un soleil imperturbable. Comme lors des arrêts précédents, on ne s’attardera pas, on n’est rarement en avance pour arriver à l’hôtel. La plupart d’entre nous se dirigent vers les toilettes. Philippe a voulu un délai supplémentaire, parce que, quand même, on peut s’accorder un peu de temps pour boire un verre en vacances ! Les toilettes turques, dans une cahute à l’arrière, repérables à l’odeur si on ne les a pas vues, sont utilisables si l’on évite de toucher les murs et que l’on regarde attentivement où l’on pose les pieds. Dans la semi-pénombre intérieure, si l’on choisit sa cabine et que l’on évite de respirer trop profondément, tout se passe pour le mieux. J’imagine les cellules de prison comparables, mais avec détenus allongés à plusieurs sur le béton. Dès le seuil extérieur, le sol est sec et la lumière à nouveau aveuglante.

Un chemin poussiéreux contourne le bâtiment jusqu’à la boutique du côté opposé. À l’intérieur, j’entre dans un espace-temps oublié. Je retrouve l’agencement de nos épiceries des années soixante. Sur des étagères de bois, des emballages aux couleurs pâlottes : biscuits fourrés, chips, sachets de thé, canettes d’un succédané de Coca et canettes d’authentique Coca censé avoir déserté les étals iraniens, mais les voies commerciales gardent une aura de mystère. Une fine couche de sable recouvre des produits de soin corporel. Des bananes, des fruits secs, des pistaches et des bonbons sont proposés en vrac. On peut commander un café servi dans un gobelet en carton si un des deux vendeurs en bras de chemises qui discutent derrière le comptoir veut bien s’en occuper. Les prix sont également ceux des années soixante : un franc pour un paquet de chips, un franc pour un jus de grenade, trente centimes pour un café.

tempImagefS2RhCPour boire mon café, j’ai le choix entre une des deux tables en plastique à la propreté approximative, sous une climatisation qui tient du ventilateur amélioré, ou la pile de cartons utilisés comme siège sous l’auvent extérieur, avec vue sur le parking. Plusieurs du groupe sont réunis là, avec des cafés ou des jus colorés. Des routiers, certains avec de grosses moustaches noires, d’autres, leurs seconds peut-être, rachitiques et édentés, fument et discutent en jetant des coups d’œil dans notre direction. Ils se détendent entre les check-points jalonnant les milliers de kilomètres de route entre Chiraz, Ispahan, Téhéran, jusqu’en Irak ou à la frontière du Pakistan. Ils ont un travail et n'ont pas l’air mécontents. Leurs camions, de l’amas de ferraille rouillé au soixante tonnes moderne et rutilant occupent tous les espaces du parking. Ils transportent de l’essence, du charbon, des plaques de construction, du matériel informatique ou des télévisions et pétaradent devant une épaisse fumée noire en redémarrant. 

On s’apprête à repartir à notre tour. Il ne reste plus qu’à récupérer Philippe. Il s’était précipité vers le plus urgent, la buvette, mais il a terminé son verre et ne se trouve plus au bistrot. Quelques minutes plus tard, on le voit sortir des toilettes et s’approcher de son pas claudiquant. Son genou le fait de plus en plus souffrir, mais ce n’est rien à côté de la longue semaine d’abstinence en train de se terminer.

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