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24 juillet 2022

Chroniques persanes XIV : Confession de Leyla

 

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« J’ai toujours rêvé de devenir guide, c’est ma passion, nous raconte Leyla en anglais. À l’université, j’ai suivi les cours pour passer le diplôme, mais c’était difficile de le cacher à mon frère, il est traditionaliste. Il voulait que je me marie. Pour lui, ça servait à rien d’apprendre des langues. Depuis que mon père était tombé malade, c’est mon frère qui dirigeait la maison. Il voyait pas pourquoi une fille aurait besoin de faire des études. Ma mère elle, par contre, elle a compris que c’était important pour moi. Je profitais de sortir quand mon frère était au travail. Quand il était là, on lui disait que j’allais chez ma tante.

Leyla prend le thermos d’eau chaude à côté d’elle et nous propose du thé. Elle met les sachets dans des gobelets et passe dans les rangs du minibus, puis elle retourne à sa place à à côté du chauffeur. Elle se tourne vers nous : 

« Une fois, je suis parti accompagner des touristes trois jours à Ispahan. J’ai ramené des gâteaux. Mais mon frère a remarqué que ça venait pas de chez ma tante. Il m’a enfermée et m’a battue. J’aurais préféré mourir plutôt que de renoncer à ma passion.

Leyla essuie une larme.

« Sorry, sorry ! nous dit-elle entre deux sanglots. Pendant le Covid j’ai profité d’apprendre l’allemand, et je prends des cours de français. J’adore voyager. Thank you, thank you so much ! ajoute-t-elle en se tamponnant les yeux.

Le silence s’est installé dans le bus. tempImageLwaoyr

« Avec mon frère, ça va mieux maintenant.

Dans les restaurants, quand on a fini de manger, Leyla nous demande toujours de réunir les restes. On les met dans des boîtes et elle les distribue à des pauvres dans la rue.

« J’essaie d’être une bonne personne » dit-elle.

Leyla nous a parlé de son mariage. Elle a trouvé son bonheur au côté d’un homme de trente ans son aîné qui accepte sa passion des gens et du tourisme. 

« Sa mère m’adore, nous dit-elle. Elle veut personne d’autre pour s’occuper d’elle. Elle trouve que je le fais mieux que ses filles. Elle souffre d’Alzheimer mais redevient gentille quand elle se rend compte qu’elle a dépassé les bornes. Je sais qu’elle fait pas exprès. Elle veut que ce soit que moi qui fasse le ménage. Je lui fais les courses et les repas. Elle sort presque plus, mais quand elle veut sortir, je l’accompagne. Quand je ne suis pas là, elle demande tout le temps quand je reviendrai. Au téléphone, je lui dis dans quatre jours, c’est le maximum dont elle se rende compte. Elle a trois filles, mais elles ne s’occupent pas trop de leur mère. D’ailleurs, ma belle-mère me réclame dès que je suis absente. Elle dit que je suis la seule à la comprendre. Quand elle me crie dessus, je sais que ça va lui passer. Elle m’aime comme sa fille.

Elle se tait un moment puis, en rajustant son foulard qui a tendance à tomber en arrière sur sa nuque, ajoute avec ce grand sourire qui l’illumine :

« Maintenant je suis heureuse. »

 

 

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