Chroniques persanes XIII : Les dunes

Si un courant d’air referme malencontreusement la porte d’une chambre dont la clé est restée dans la serrure, impossible, même pour les services de l’hôtel, de l’ouvrir depuis l’extérieur. Le colonel erre sur le patio en se traitant d’idiot après que cette mésaventure lui est arrivée. Au moment où il désespère de jamais retrouver sa valise et son contenu, un membre du personnel réussit à débloquer sa porte en se faufilant par la salle de bain sur l’arrière de sa chambre.

Le souper est servi dans une sorte de vaste cantine semi-enterrée. On y croise les seuls autres clients de l’hôtel : un couple taciturne et un trafiquant chinois qui passe son temps à crier des ordres dans son portable.

À une quarantaine de kilomètres, les dunes font office de Montagnes russes locales. On monte les huit dans deux 4x4 hauts sur roues pour se lancer à l’assaut du soleil couchant. Avec sa demi-barbe sous des yeux noirs perçants, je trouve à mon chauffeur une tête de preneur d’otages. Il part sur les chapeaux de roue et s’amuse à faire la course avec son comparse en faisant tanguer la voiture en tous sens. Au retour, je constate en me pinçant que je suis toujours vivant. On s’arrête à différents points de vue pour admirer les montagnes grises au loin, le reste du lit d’un cour d’eau asséché en dessous de ce qui me paraît un canyon de sable. Je me rends compte trop tard avec épouvante que le chauffeur a décidé de se suicider en lançant le 4x4 tête la première en bas du canyon vertical. Soit nous nous en sommes sortis je ne sais trop par quel miracle, soit je suis en train d’écrire depuis un monde parallèle. Arrivés à bon port ou au paradis, les deux chauffeurs transformés en anges-gardiens nous proposent du thé qui chauffait sur un brasero. Les dunes virent de l’ocre au rose, puis au jaune orangé avant de disparaître sous les étoiles du désert du Kevir. 

Au moment de repartir, le chemin se devine à peine dans le noir. Le minibus s’enlise dans une ornière. Les roues projettent du sable tous azimuts quand Hamed met des gaz et le minibus s’enfonce. Hamed sort et tente de pousser le véhicule en bandant ses muscles de taureau de combat. Le minibus ne bronche pas. On va chercher des planches, des pelles, de l’aide. Après une heure d’effort, on est arrivé à le dégager. Inch Allah ! s’exclament les hommes du village. Je remercie intérieurement Allah pour son aide et me demande qui a été à l’origine de l’ensablement.